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Semaine apocalyptique : Les Fils de l'Homme

 

 

(...) 2027, c'est à peine demain, c'est aujourd'hui. Et ce qu'il y a d'hallucinant dans le film d'anticipation d'Alfonso Cuaron, c'est son actualité, la crédibilité de ce décor sombre, au ciel noir, sans gadgets high-tech. Inspiré d'un roman de P. D. James qui lorgnait du côté de 1984, de George Orwell, au point d'imaginer sa patrie aux mains d'un Big Brother (ce dont n'a pas voulu Cuaron), Les Fils de l'homme est un film orwellien, à ceci près que l'écrivain porte-parole des travailleurs disait : "Si vous voulez une image de l'avenir de l'humanité, imaginez une botte écrasant un visage humain." Et que dans l'univers courant à sa perte dépeint par Cuaron, il existe un espoir, une solution miraculeuse pour que les hommes survivent.
L'une des données du scénario de Cuaron est l'infertilité qui règne depuis dix-huit ans. Plus une femme n'a accouché. Kidnappé par un groupuscule extrémiste auquel il appartint jadis avant de devenir un bureaucrate résigné, le héros des Fils de l'homme (Clive Owen) est sommé de prêter main-forte à ces terroristes qui revendiquent la reconnaissance sociale des réfugiés. Il n'a pas le choix : la mission qu'on lui confie est de servir de garde du corps à une jeune femme noire jusqu'à un site protégé aux Açores (chez Orwell, où l'acte sexuel est proscrit par le Parti, on parle de "Pays doré"). La fille est enceinte, elle incarne l'avenir du genre humain.
Qu'est-ce qu'on attend aujourd'hui d'un thriller ? La reconduite de quelques schémas ténébreux (un homme en cavale, une femme à protéger, guettés par des menaces, forces de l'ordre, agents doubles, rebelles dissidents) et la modernisation de la recette. La jouissance d'un renouveau dans le déjà-vu. Sur ce plan, Cuaron remplit son contrat haut la main. Ancré dans les affres politico-sociales contemporaines (le casse-tête du partage des richesses et de l'immigration), son film haletant allie spectacle (infernale course-poursuite), humanisme, clins d'oeil et archétypes. (...)
Jean-Luc Douin, lemonde.fr  (2006)